colocation (siobhan)

une question de vie ou de mort. tu ne peux pas rester dans cette maison, tu n'arrives plus à la payer depuis que ta femme est partie, est morte. dans ce putain d'accident. t'es seul maintenant, avec ta fille de douze ans. elle est en âge de comprendre surtout, en âge de savoir ce qu'il se passe. tellement compliqué pour toi de gâcher tout ce qu'il ne va pas. tu essaies pourtant, de la tenir éloigner de tous ces problèmes. parfois tu craques aussi, le soir. tu n'y arrives plus deaglán, il faut te rendre à l'évidence. t'as besoin d'une colocataire pour garder cette maison. jamais tu ne pourras t'en séparer. c'était cette vie là que tu voulais mener, avec ta femme et votre fille. cette vie là est fichue oui mais cette maison, tu ne peux pas l'abandonner, t'en séparer. alors t'as posté cette annonce pour trouver une colocataire. tu ne sais pas si ça va fonctionner, t'as été honnête, t'as dit que tu vivais avec ta fille. t'as pas envie de donner de faux espoirs, tu préfères dire la vérité, que la personne ne soit pas surprise en arrivant ici pour visiter la maison et tomber sur une gamine de douze ans. en plus douze ans, c'est l'âge compliqué. tu sais que tu vas avoir dû mal. tu n'es pas encore tout à faire préparer à avoir sa crise d'adolescence mais tu vas devoir gérer ça au mieux. tu sais que sa mère lui manque, elle te le dit souvent et ça te brise le cœur. t'as reçu un appel pour la colocation, t'as répondu directement que tu serais là pour lui faire visiter. tu espères qu'elle sera intéressée. t'as deux mois pour trouver quelqu'un, deux mois c'est peu. puis t'as aussi envie que le courant passe bien avec cette personne, parce que vous allez vivre sous le même toit. vous allez partager les mêmes pièces, il faut un minimum de savoir vivre.
t'as donné rendez-vous en fin d'après-midi, parce que tu travailles toute la journée. il faut bien que tu gagnes ta vie, déjà que t'as du mal en fin de mois.. tu rentres à l'heure, juste le temps de pouvoir ranger le bordel de ta fille dans le salon qu'on sonne à la porte. tu souffles et puis tu vas ouvrir bonjour, c'est pour la colocation ? tu demandes alors avec un sourire. ouais parce qu'on sait jamais que ce soit pour autre chose. elle te répond que oui et puis tu la laisses entrer chez toi, peut-être chez vous maintenant si elle décide d'y vivre. ça va te faire bizarre oui, d'avoir une autre femme sous ton toit mais tu n'as pas le choix de toute manière. c'est ça ou c'est l'expulsion. tu préfères le premier choix.

Cela ne fait que quelques jours que Siobhan est en ville. Quelques jours où elle s'est remise en question, autant que possible. Tout ce qu'elle sait, pour le moment, c'est qu'elle ne fera pas machine arrière. Elle compte bien retrouver Gary, et Alma, quoi qu'il en coûte. Elle les a sacrifiés, deux ans plus tôt, et elle ne veut plus que cela se reproduise. Cette fois, elle sacrifierait tout pour eux. Parce qu'elle ne va pas vivre à l'hôtel pendant tout ce temps, elle s'est tout de suite penchée sur les offres de colocation. Étrange, à trente ans, de régresser ainsi, mais c'est pour mieux rebondir. Elle ne compte pas rester, de toute façon. Pas éternellement. Elle a lu l'annonce, vite fait. N'a pas relevé certains détails. Elle a appelé l'homme de l'annonce sans réfléchir, en réalité. Ils ont convenu de se retrouver chez lui, pour qu'elle puisse visiter les lieux. De toute façon, elle n'est pas bien difficile, même si elle a été habituée à un certain confort de vie. Elle angoisse un peu, à l'idée de vivre ainsi, mais pour le moment c'est tout ce qu'elle a trouvé. Après tout, peut-être qu'il sera sympathique. Elle l'espère, en tout cas. Elle conduit jusqu'à la maison, non loin de celle de Gary, elle le sait. Elle n'a pas encore eu le courage d'y aller, mais ça ne saurait tarder. Elle se gare devant, puisqu'il ne semble pas y avoir beaucoup de passage. Elle frappe chez l'homme en question, sans trop savoir à quoi s'attendre. Il ne tarde pas à ouvrir, aussi réactif que quand elle l'a appelé. « Bonjour. » lui dit-elle d'abord, avec le sourire. Elle veut lui faire bonne impression, et il a l'air d'agir de la même manière. Si chacun fait des efforts, il n'y a pas de raison que ça n'aille pas, n'est-ce pas ? Même si elle a la fâcheuse manie de tout bousiller, Siobhan. Elle remarque qu'il a la quarantaine, et qu'il n'a sûrement pas publié cette annonce parce qu'il le veut vraiment. Il n'a sûrement pas d'autre choix. Elle l'aurait peut-être su si elle n'avait pas bondi dessus sans regarder les détails. « Oui oui c'est ça, je suis Siobhan. » répond-elle, se présentant au passage. Pas plus de détails, elle ne compte pas lui déballer cette vie ruinée par elle-même. Cette succession de mauvais choix, à croire qu'elle n'apprend jamais la leçon. « C'est beau chez vous. » qu'elle ajoute en entrant. Ça a l'air confortable, sans être le grand luxe non plus. Mais ça lui va. En réalité, elle a juste besoin d'un lit et d'un peu de compagnie. Un peu de stabilité, elle qui a du mal à en trouver toute seule. Peut-être bien parce qu'elle n'a jamais su ce qu'elle voulait devenir. Quelle femme elle voulait être plus tard. Avec Gary, elle était épanouie, mais a tout gâché pour une passion éphémère. Un homme qui ne lui accordait pas tant d'importance. Elle attend qu'il initie la visite.