saouls soleils - eoin

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saouls soleils ◦ il y a des chansons enfantines qui s’échappent dans un seul murmure, qui recherchent le nord qu’ils ont perdu à force de boire. le genre de truc qui reste en tête toute une soirée, qui comptent les tombes dans un seul verre. il sait pas où il est eoin, il espère qu’ils se sont compris aidan. il pense à se sauver aidan, se tailler à travers la brume jusqu’à saturne ou mars. il sait pas, s’il est prêt à ressasser le passé, à dissiper les doutes de sa fructueuse reconversion. parler du point le plus culminent, à considérer qu’il y en ait un. il a rendez-vous de l’autre côté d’la vie aidan, là où c’était clopes, sky-cola. sans décélérer, sans regretter, dire que c’était trop beau.
maintenant que la nuit est calme, qu’il a personne à comparer à lucifer la larme au fond de l’œil. il avouera jamais, que le tableau était pas si mal aidan, le début, les premières semaines. il fulmine, les doigts crispés, le regard perdu sur la baie. il compte pas commencer la dispute dans l’fond d’une bouteille de san pé. aguerrir son estomac à quelque chose de plus fort, pour l’esprit, pour le fait d’finir seul cette nuit. c’est qui s’est bien foutu d’sa gueule eoin, parce que c’était pas logique dans l’fond. le dessin était pas cohérent avec la poésie, les mots léchés pour le faire venir là.
il avait réussi son coup - il fait battre les portes aidan. furieux d’avoir omis de lui demander le numéro de son portable.
mais ça aurait été gênant, peut-être, peut-être pas. mais sûrement pas plus que lui, bouffé par le froid, le nez enfoui sous son écharpe à laisser quarante minutes lui échapper. et c’était pas le genre aidan, à jeter le carton dans la mauvaise poubelle.
il y a encore ce semblant de comptine qui trotte dans l’fond du bar alors qu’il commande une pinte de guinness pour guérir le mal par le mal. il a pas l’intention d’y rester des heures, mais il était parti suffisamment en joie pour éveiller les soupçons de sa mère. suffisamment pour chercher une location pas loin du centre-ville historique vingt minutes plus tard sur son smartphone.

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saouls soleils ◦ je me suis perdu qu'il avait dit, ça arrivera plus jamais qu'il avait dit, je suis désolé qu'il avait dit. il avait dit beaucoup de choses ce type, pour peu qu'il aurait quasiment pleuré devant eoin avec sa gonzesse jusqu'à côté - ses yeux qui brillaient un peu parce qu'il avait sans doute peur de perdre le chiot qui lui était promis. y'avait pas eu de lézard plus qu'un autre, seulement un genre de sourire forcé sur sa face pour contrebalancer l'amertume du temps perdu - et pendant tout cet intervalle, il s'est senti passablement con eoin. un peu plus que d'habitude, parce que dans sa poche y'avait bien son portable qui datait, mais y'avait pas dans le portable un numéro qu'il aurait pu prévenir. parce que c'est vendredi, parce que c'est déjà plus de vingt heures et qu'être à la bourre c'était ni bon signe, ni logique. rares fois où c'était arrivé, c'était parce qu'il gerbait dans le fin fond du lavabo à cause d'une gueule de bois fulgurante ou encore pour à cause d'une fièvre qui faisait que l'enfoncer au fond du matelas. à partir du moment où y'a la bagnole qui se taille, il en fait de même, la veste déjà sur le dos, il chope la sienne, fait râler le moteur alors qu'une clope se consume à la barrière de ses lèvres. s'en cogne un peu, fume au volant et balance le mégot assassiné à travers la fenêtre ouverte. ça la fout mal, ça la fout mal parce que ça dézingue trop fort le coeur déjà crevé de s'être réveillé ce matin. pas question de faux espoirs, seulement d'un genre de respect mutuel pour ce qu'était et qu'est maintenant plus - qu'aurait pu être mais qu'a pris un chemin à l'opposé, tellement que ça a fait que déchirer le tissu pour en laisser de pauvres lambeaux dans la machine à laver.

quarante minutes c'est de trop - quarante minutes c'est pas loin de l'heure fatidique où il aura juste l'air d'un substitut de menteur qu'est bon qu'à balancer de la poudre aux yeux. il inspire profondément, presse le pas, entre dans le pub sans pour autant faire trop de vagues, il cherche du regard à peine quelques secondes. tombe sur aidan qu'est pas spécialement ravis - tire une grimace puis se rapproche, il cale ses mains sur le dossier de la chaise en bois face au spectre.
- désolé, j'ai pas pensé à t'donner mon numéro et y'a c'client qui s'est perdu pour arriver ici mais j'pouvais pas l'envoyer chier, il s'est exprès déplacé pour l'chiot, tout était d'jà signé alors.
alors c'est bien mignon, c'est bien beau de mettre une bestiole et de l'enrubanner avec un petit noeud rouge, il sait pas si ce sera suffisant comme excuse - peu importe, il retire sa veste, se cale avec un rictus sur le coin de la bouche. la serveuse revient la bouche en fleurs, il commande sans surprise la même chose - puisqu'à quoi bon changer une bonne équipe. il pousse un profond soupir. s'il avait été que bénévole, eoin, il l'aurait envoyé valser dans les buissons - mais y'a un minimum à garder quand ça participe à son train de vie.

- parce que du coup, avant que tu m'poses la question vis-à-vis de c't'histoire, la grosse blague c'est que maintenant j'élève des chiens.
- sept ans d'études pour rien, c'est pas mal.
- mais on s'en fou.
un temps, il mord le bout de sa langue, écoute d'une oreille les chansons qui passent entre les quatre murs.

- comment tu vas ?

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saouls soleils ◦ il a jamais réfléchi, repensé aux images comme quelque chose qui viendrait à lui manquer. il a rien inventer aidan, il s’est maintenu à flot sur un océan de couleuvres. insouciant. sans distinguer le vrai du faux. sans trier les légumes verts, abandonnés sur un bord d’assiette. les pieds sur le bitume, qui manquent cet espace et puis un autre. qui couvre cinq cent maladies au moins. une prison où il fait bon vivre. il y a pourtant aucun prestige à être là où il est, à garder le même froc pendant des mois ou éponger le front curieux des autres. prêter moins d’attention au conducteur du taxi qu’aux publicités sur la route. tout avait plus de sens à dùchann, parce que c’est pas réfléchi, parce qu’il voudrait tenir tout en haut des lampadaires comme les ours se tiennent aux arbres aidan. parce que tout devrait être aussi simple qu’une partie de ping-pong. ça lui donnerait de la matière, le goût amer de la défaite sans avoir à ravaler tristesse et déception. il garde tout en soute aidan, les bêtes curieuses, le bouton pilote automatique.

il a un sursaut pincé, pas faute d’avoir attendu, pas faute d’avoir espéré puis décrété qu’il en avait rien à foutre. il comprend pas tout ce qui sort de la bouche d’eoin. il a l’débit rapide,
et l’explication -
indescriptible -
quoi ??
la surenchère évidente. il sait pas s’il doit le croire ou pas aidan, s’il a jamais côtoyé cette personne y a vingt ans. est-ce que c’est possible de changer autant ?
- j’te crois pas. impossible. il souffle pas les points sur lesquels il doute de sa sincérité - il y a rien qui va. rien qu’est cohérent. c’est comme s’il se décidait, soudainement, lui, de s’improviser tubiste dans le meilleur orchestre du monde pour reprendre un tube de oasis. il prend un gorgée, vide d’emblée la moitié d’son verre.
- cela dit c’est intéressant pour expliquer un retard de quarante minutes.
- j’étais franchement prêt à rentrer chez moi pour être honnête.
et à l’envoyer sur les roses, d’une manière ou d’une autre. mais. maintenant il se sentait beaucoup mieux aidan, loin de ses préoccupations malheureuses. maintenant qu’il savait que non, eoin, ne s’était pas foutu de sa gueule - pour le rendez-vous mais aussi,

silence.
- tu déconnes ? t’élèves vraiment des chiens ? il tapote du bout des doigts contre son verre en essayant d’imaginer la scène.
- t’as des bébés chiens, et l’immense jardin, et un nom d’élevage ? et tout ? il sait c’que c’est tout, il a jamais adopté de lévrier irlandais ou de chien tout court. ou de chat ou aucun animal de cet trempe. exception faite pour alfie le cochon d’inde historique et mascotte des selkirk dont le dernier séjour fut le caniveau.
mais bon, c’était il y a trente ans.
- tu dois être bien entourés. hormis les chiens, il en sait rien.
mais c’est toujours intéressant d’affirmer quelque chose sans avoir à poser la question. ni celle-ci ni le comment on finit par vendre des chiots dans une petite station balnéaire. coin tranquille pour ce qu’il en est.
- moi ça va, faut croire que ma vie est moins trépidante que la tienne. ou peut-être qu’il se calme parce qu’il approche des quarante ans. il en sait rien.